

20 mai – Célébration de la Fête Nationale au Cameroun. Archives PRC
Un 20 mai sous contrôle total
Au Cameroun, le 20 mai est fête nationale instaurée après le référendum de 1972. Une célébration censée incarner l’unité du peuple et la stabilité de la nation. Pourtant, derrière les parades militaires et les discours officiels, le climat est tout sauf serein. Alors qu’on célèbre « l’unité », jamais les divisions n’ont été aussi profondes.
Traditionnellement, cette date est marquée par des défilés civils et militaires sur le boulevard du 20 mai à Yaoundé et dans l’ensemble des dix régions. Mais cette année, une décision inédite a suscité la stupeur. L’interdiction pure et simple des téléphones portables par le régime, aussi bien pour les participants au défilé au boulevard du 20 mai que pour les invités à la réception au Palais de l’Unité.
Une décision qui traduit une peur palpable du gouvernement en place, soucieux de contrôler l’image d’un président vieillissant que son entourage et lui-même, veulent à tous les prix, voir briguer un nouveau mandat en octobre. Dans un contexte électoral très tendu, tout est mis en œuvre pour éviter la moindre fuite d’images non maîtrisées à l’heure où les réseaux sociaux constituent une menace pour la propagande officielle.
Unité proclamée, divisions entretenues
Le paradoxe saute aux yeux. Le Cameroun célèbre l’unité dans un climat de division. Le pays est fracturé sur plusieurs plans. Le tribalisme s’intensifie, les discours de haine prolifèrent, et la méfiance règne entre communautés. Dans les coulisses du pouvoir, les jeux de succession attisent les tensions, alors que la justice est perçue comme instrumentalisée et que les institutions ont perdu leur crédibilité.
Plutôt que d’apaiser, les dirigeants semblent attiser les conflits pour mieux asseoir leur autorité et conserver le pouvoir. Les divisions entre régions, communautés et acteurs politiques sont entretenues, parfois même exacerbées par ceux qui devraient incarner la neutralité de l’État. Le régime en place du président Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, semble engagé dans une stratégie de verrouillage absolu du champ politique. Toute opposition sérieuse est écartée ou muselée, parfois sous couvert de procédures judiciaires douteuses.
L’unité nationale devient ainsi un outil politique, brandi comme un totem mais vidé de toute signification réelle. Le peuple, lui, est spectateur impuissant d’un théâtre officiel qui ne reflète plus ses aspirations.
Une image ternie à l’international
À l’extérieur, le Cameroun inquiète. La communauté internationale est observatrice de l’évolution politique du pays, autrefois considéré comme un bastion de stabilité dans une région volatile. Aujourd’hui, l’opacité du régime de Yaoundé, les atteintes aux libertés fondamentales et la stagnation institutionnelle ternissent l’image du Cameroun. La fête nationale, censée renforcer le patriotisme, apparaît comme une démonstration de force mal dissimulée.
Vers une réinvention de l’unité ?
La célébration du 20 mai 2025 invite à des interrogations. Quel 20 mai célèbre le Cameroun cette année ? Celui d’un peuple uni dans la diversité ? Ou celui d’un régime replié sur lui-même, qui confond unité et uniformité, stabilité et stagnation, patriotisme et allégeance ? En vérité, tant que l’unité sera imposée d’en haut et non construite collectivement, la fête nationale restera une illusion et le boulevard du 20 mai, un théâtre bien ordonné d’un pays en désordre. La véritable unité ne se décrète pas, elle se construit dans le respect, l’inclusion, et la vérité partagée
Par YMN
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