L’Union Africaine : Souveraineté financière ou servitude ?

Par Manguè Màn Mut

Créée en 2002 pour remplacer l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), l’Union Africaine (UA), dont l’ambition était de renforcer l’unité et la coopération entre les États du continent, se trouve dans un dilemme profond aujourd’hui. Malgré sa structure institutionnelle impressionnante, l’organisation peine à devenir le moteur de développement et d’autodétermination pour le continent. Cependant, l’institution est dominée par des puissances étrangères qui en contrôlent les principaux financements. Un paradoxe qui pousse à s’interroger si l’UA est véritablement au service des africains, ou un simple instrument manipulé par les intérêts extérieurs.

Une Union Africaine sous tutelle financière

La dépendance aux financements extérieurs fait partie des plus grandes contradictions de l’Union Africaine. En dépit des efforts récents pour accroître les contributions des États membres, l’institution reste largement soutenue par des bailleurs de fonds externes, notamment l’Union Européenne, qui contribue de manière substantielle à son budget. Selon des données récentes, près de 70% du financement de l’UA provient d’acteurs extérieurs, l’Union Européenne étant le principal contributeur. Les contributions des États membres en revanche, ne représentent qu’environ 30% du budget global de l’organisation. Une situation qui crée une certaine soumission qui oblige l’UA, à se compromettre à travers un alignement de ses priorités sur celles des puissances étrangères.
A l’observation, chaque crise et chaque décision géopolitique majeure se transforme en une quête pour préserver les financements extérieurs. Tout ceci limite la capacité de l’UA à défendre des intérêts purement africains. La politique de coopération imposée par les bailleurs de fonds fait abstraction des véritables besoins et une grande partie des dossiers propre à l’Afrique se voit reléguée au second plan au profit des agendas géopolitiques des donateurs, dont les priorités ne coïncident pas avec les défis réels du continent.

L’urgence d’une indépendance financière

Si l’Union Africaine veut pleinement jouer son rôle historique de moteur de l’unité africaine, il est impératif qu’elle se libère de cette dépendance financière. Une Union Africaine indépendante devrait pouvoir financer ses propres projets, définir ses priorités sans ingérence extérieure et être en mesure d’affirmer sa souveraineté dans les négociations internationales. Il n’y a qu’une Union Africaine forte et autonome, capable de relever les défis de l’Afrique en matière de développement, de sécurité et de diplomatie. Une vision commune face aux grandes puissances mondiales est impérative et cela passe par une mise en place de mécanismes de financements durables et une gestion interne rigoureuse.

Possibilités d’auto-financement de l’Union Africaine

Pour que l’UA échappe à la tutelle des puissances qui ont fini par devenir un caillou dans sa chaussure, elle doit d’abord se réinventer et considérer des outils en sa possession. Une taxe sur les transactions commerciales intra-africaines par exemple, pourrait générer des fonds importants pour l’UA, en profitant de l’essor des échanges grâce à la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf). L’option de création d’une institution bancaire chargée de financer des projets stratégiques est envisageable et pourrait permettre de lever des fonds et injecter des capitaux dans des initiatives continentales. Une exploitation du potentiel naturel du continent à travers une gestion partagée et responsable de ses ressources, permettrait à l’organisation de dégager des revenus destinés à son financement. Avec une diversification des partenariats, l’UA peut collecter des contributions auprès des donateurs volontaires ou autres grandes entreprises et initiatives philanthropiques africaines en vue de soutenir le financièrement de ses programmes. La multiplication des projets intégrateurs au niveaux régionaux avec des fonds axés sur les infrastructures pour renforcer l’intégration régionale, constitue aussi une opportunité pouvant générer des retours sur investissement pour alimenter le budget de l’Union Africaine.
En se libérant de l’emprise des bailleurs de fonds étrangers, l’UA parviendra à mieux défendre les intérêts africains et à renforcer son poids dans la géopolitique mondiale.

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