Les coups d’État constitutionnels en Afrique : un frein au positionnement géopolitique du continent

Les coups d’État ont longtemps été un fléau récurrent sur le continent africain. Ceux qui se produisent sous couvert d’un prétexte légal ou institutionnel connus sous le nom de coups d’État constitutionnels ont pris une ampleur ces dernières années. Ces renversements du pouvoir, souvent réalisés en violation des constitutions, fragilisent non seulement les structures politiques internes des États africains mais ont également des conséquences directes sur le positionnement géopolitique de l’Afrique dans le monde.

Impacts sur l’ordre constitutionnel

Les défis de l’Afrique à s’imposer comme une puissance régionale et mondiale sont nombreux. Les coups d’État constitutionnels qui en font partie, perturbent la dynamique continentale, en altérant la stabilité politique, réduisant l’efficacité des institutions et augmentant l’instabilité dans de nombreuses régions.
Les constitutions sont les piliers fondamentaux de l’État de droit. Elles définissent non seulement le fonctionnement des institutions, mais aussi les droits et libertés des citoyens. Elles ont été adoptées dans de nombreux pays africains, dans le cadre d’un processus démocratique, ou, mieux, dans une période où des réformes politiques étaient perçues comme nécessaires. Toutefois, les coups d’État menés contre elles par des dirigeants en quête de pouvoir prolongé, violent ces principes fondamentaux.
Au Burkina Faso après le renversement de Blaise Compaoré en 2014 pour donner suite à son projet de modification de la constitution pour prolonger son mandat, le pays a connu une période d’incertitude, d’instabilité et de réformes constitutionnelles mal perçues par une partie de la population. La violence politique et la guerre contre les groupes terroristes ont mis en lumière les faiblesses d’un pays fragilisé par la violation de sa constitution avec pour impact, l’installation de l’ordre militaire actuellement en fonction.
En 2015, Pierre Nkurunziza du Burundi et Denis Sassou-Nguesso du Congo ont modifié leurs constitutions pour prolonger leurs mandats entraînant des troubles politiques. Deux ans plus tard, c’est le Gabon de Ali Bongo qui violait la limite des mandats au point de déclencher des manifestations. Toujours en 2017, Museveni en Ouganda a pu se maintenir au pouvoir grâce à une modification de la constitution après celle de 2005. Également dans les années 2000, le feu Idris Deby a provoqué des tensions au Tchad lors du coup d’Etat constitutionnel de 2005. Le Cameroun a vécu des troubles à la suite de l’attaque contre la constitution en 2008 permettant au président Paul Biya de se représenter aux élections pour ne citer que ces cas.

Fragilisation du positionnement géopolitique de l’Afrique

Les coups d’État constitutionnels entraînent des répercussions directes sur la capacité de l’Afrique à s’imposer dans le jeu géopolitique mondial. Le contournement des constitutions et des processus démocratiques dans certains pays engendre un manque de crédibilité internationale et une perte de confiance des partenaires économiques et politiques. Lorsqu’un pays traverse une crise politique de cette nature, il devient une zone de risques, réduisant ainsi sa compétitivité et son attractivité pour les investissements étrangers.
Le Mali par exemple, après le coup d’État militaire de 2021, qui lui-même a suivi un coup d’Etat constitutionnel, a vu ses relations diplomatiques se tendre avec certains pays occidentaux et les institutions régionales, telles que la CEDEAO. Ce renversement a déstabilisé la région du Sahel, déjà en proie à des attaques terroristes. Le Mali a dû chercher du soutien auprès de nouveaux partenaires, notamment la Russie avec qui les équilibres géopolitiques en Afrique se modifient.
Les coups d’État constitutionnels nuisent à la construction d’un continent africain fort et uni pouvant défendre ses intérêts à l’échelle mondiale. Ces bouleversements politiques freinent les initiatives de coopération intra-africaine, comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), et entravent les efforts de développement durable dans les pays concernés.
En compromettant la stabilité et la gouvernance, ces événements ont des effets qui impactent les relations internationales et réduisent l’attractivité économique du continent frigide aux instabilités régionales. Il serait impératif pour l’Afrique, de renforcer les mécanismes de gouvernance démocratique et de promouvoir des processus constitutionnels transparents afin d’éviter une perpétuation de ces pratiques qui entachent son potentiel géopolitique.

Par Yves Modeste NGUE

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