Tête- à-tête entre les présidents Paul Biya et Emmanuel Macron à Lyon en France – 10.10.2019 – Archives PRC

Gestion des déchets urbains : Quand Yaoundé s’en va apprendre à balayer en France

Les réflexions ouvertes du 06 au 07 mai à Yaoundé, montrent que le sous-secteur des déchets, en particulier ménagers et assimilés, fait face à de lourdes lacunes institutionnelles, techniques, opérationnelles et financières, qui nécessitent d’être traitées en profondeur en vue de sa restructuration et, éventuellement, de la résorption durable du problème de l’insalubrité des villes aux risques sanitaires et environnementaux.

Tête- à-tête entre les présidents Paul Biya et Emmanuel Macron à Lyon en France – 10.10.2019 – Archives PRC

Les Etats généraux sur la gestion des ressources en déchets urbains se sont ouverts le 06 mai 2025 à Yaoundé, capitale politique du Cameroun. Conjointement organisées par les ministères de l’Habitat et du développement urbain (Minhdu) placé sous la responsabilité de la ministre Célestine Ketcha Courtès, et celui de la Décentralisation et du développement local (Minddevel) piloté par le ministre Georges Elanga Obam, ces assises ont pour objectif la construction des villes propres pour la santé et le bien-être de tous. Il est question pour tous les acteurs qui y participent d’explorer les pistes de transformations des tonnes d’ordures produites par les ménages en sources de développement économique et social des villes.

Dans le cadre de l’organisation de ces états généraux, une délégation conduite par la Cheffe de Cellule de la coopération et des contrats de ville au Minhdu, Béatrice Bejo Kana, a séjourné à Strasbourg en France tel que relayé par cette administration publique. Durant la période allant du 14 au 16 avril dernier, des magistrats municipaux du Cameroun qui se sont illustrés au concours « Villes propres », organisé par le Minhdu avec l’appui de l’Onu Habitat, se sont mis à l’école de ceux du pays d’Emmanuel Macron dans le cadre de la gestion et du traitement des déchets et surtout la sollicitation de l’expertise dans le domaine. Plusieurs raisons motivent ce retour sur les bancs de l’assainissement.

Selon le Minhdu, la croissance urbaine accélérée induit mécaniquement celle de la production des déchets. La ville de Yaoundé, par exemple, connaît une augmentation de la production des déchets de l’ordre de 20 000 tonnes par an. « Il y a certaines municipalités qui sont à la recherche des financements pas seulement dans le cadre de la gestion des déchets ménagers mais aussi dans la mise en œuvre de leurs documents de planification », indique la cheffe de la délégation camerounaise, Beatrice Bejo Kana.

image poubelle à Yaounde, capitale du Cameroun

Faiblesses du système et pollution sanitaire et environnementale

Cette quête de partenariats financiers s’inscrit dans la gestion des déchets liquides et solides malgré les actions entreprises par les pouvoirs publics dans ce sous-secteur en l’occurrence. Le Minhdu confesse également que ses actions menées dans les composantes institutionnelle, financière, technique et opérationnelle, se révèlent inefficaces pour gérer cette donne socio-démographique

Face à ces faiblesses énumerées par le Minhdu, se caractérisant par des lacunes dans la structuration de la pré-collecte, l’obsolescence du dispositif technique de gestion des déchets (collecte, transport, traitement) qui fait face à l’absence d’infrastructures, les populations sont davantage exposées aux risques sanitaires (taux élevés des pathologies respiratoires, cutanées etc.) et environnementaux à cause de la prolifération des tas sauvages d’immondices dans les rues, l’accumulation des ordures aux points de collecte, la multiplication des décharges non contrôlées. A cela, il faudrait ajouter les efforts de valorisation qui demeurent embryonnaires, des conflits de compétences persistants entre les acteurs institutionnels et un schéma de financement inadéquat s’agissant aussi bien de la faiblesse des ressources disponibles que des présentateurs des mécanismes de contractualisation existants. Ces insuffisances se traduisent finalement par un faible taux de collecte des déchets : il est de 45% à Yaoundé pour une production estimée à environ 3000 tonnes/jour.

Durant son séjour, cette délégation a tour à tour été reçue par des maires. Tout d’abord, une séance de travail avec le conseiller diplomatique du préfet de la région du Grand Est, Philippe Lacoste. Le principal point de ces échanges portait sur la mise en œuvre des nouveaux projets d’assainissement. « On peut retenir que cette coopération existe. Un certain nombre d’idées ont été échangées pour voir dans quelle mesure monter de nouveaux projets dans ce secteur » explique Philippe Lacoste.

Dans la commune de Marlenheim, le maire Marcel Luttman envisage plutôt une coopération en ce qui concerne le traitement des déchets. « Tout dépend des sujets que nous souhaitons développer ensemble. On peut également imaginer une collaboration en ce qui concerne le traitement des déchets », se projette cet élu local. Une collaboration qui sera la bienvenue au regard de l’impact environnemental desdites ordures au Cameroun. Cette pollution environnementale s’illustre par un long séjour à l’air libre, des ordures qui deviennent des émetteurs de gaz à effet serre, dont le méthane. Selon les puristes, ce gaz issu des déchets est l’un des plus nocifs pour l’atmosphère. Dans ce registre, l’activité anthropique a également plus d’effet sur la dégradation de la couche d’ozone avec notamment le développement des pratiques telles que le brûlage des déchets qui présente en outre des risques d’incendies. Il convient enfin de relever l’obstruction des systèmes de drainage par les déchets solides, notamment les bouteilles plastiques, ce qui accroît les risques d’inondations dans les villes.

Taux d’urbanisation accru

Bien plus, cette production de déchets puise son essence dans le phénomène du boom démographique. Un problème perçu par la Directrice du Ges Cod, Gaëlle le Barbu. « On a bien vu que le Cameroun était cochon du problème puisque c’est la même chose en France. On produit de plus en plus de déchets. Notre appui va être sur le montage des dossiers et l’identification des financements », précise-t-elle.

En effet, au Cameroun, l’évolution du taux d’urbanisation suit la tendance mondiale à la croissance accélérée de la population urbaine. Celle-ci est passée de 28,5% en 1976 et 37,8% en 1987 à 52% en 2010 (BUCREP – RGPH 1976, 1987, 2005 et projections), avec une estimation de 59,4% en 2022 (BUCREP). Yaoundé s’inquiète du fait que cette urbanisation rapide n’est pas uniquement démographique mais aussi spatiale. Ainsi, les lacunes dans la planification, se traduisant notamment par l’occupation anarchique du sol, pousse le Cameroun à rejoindre la tendance observée dans les pays en développement dans lesquels « la superficie des villes augmente plus vite que leur population ».

En moyenne, la surface des terres qu’elles occupent augmente deux fois plus rapidement que le nombre de leurs habitants ». Cet étalement urbain non maîtrisé (l’on parle aussi de fragmentation des villes), en plus de la pression foncière accrue, force les villes à réaliser des investissements lourds pour répondre aux besoins en services urbains, dont la mobilité et la gestion des déchets.

Par Crescence Yolande AKABA, Cameroun

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