Cérémonie de signature du partenariat technique entre Elecam et le système des Nations Unies au Cameroun. Archives Elecam

Élections 2025 : quand ELECAM invite l’ONU à superviser la démocratie camerounaise

Elections Cameroon (ELECAM), organe en charge de l’organisation des élections au Cameroun, a signé le 9 mai 2025 à Yaoundé, un projet d’assistance technique électorale avec le système des Nations Unies. Le but est de soutenir le cycle électoral 2025-2027. Ce partenariat scellé en présence de plusieurs agences onusiennes, marque une étape majeure dans la préparation du scrutin présidentiel d’octobre prochain. Mais il soulève également une série de questions géopolitiques, diplomatiques et institutionnelles cruciales tant sur le plan national qu’international.

Cérémonie de signature du partenariat technique entre Elecam et le système des Nations Unies au Cameroun. Archives Elecam

Officiellement, cette coopération ELECAM-ONU, vise à renforcer la transparence, la paix et la crédibilité du processus électoral en ligne avec les recommandations issues de la mission d’évaluation de l’ONU conduite en juillet 2024. Les agences impliquées, telles que le PNUD, ONU-FEMMES, l’UNESCO ou encore le HCNH, s’engagent à mettre à disposition leur expertise technique dans un cadre « entièrement financé par le Trésor public » selon le communiqué officiel.

Cependant, derrière ce langage diplomatique se cache une profonde controverse. De nombreuses formations politiques de l’opposition (MRC, PURS) et organisations de la société civile dénoncent un manque total d’inclusivité dans la démarche. Aucun débat public n’a été organisé en amont. Les partis politiques n’ont pas été consultés alors même que la liste électorale nationale attendue de toute urgence à cinq mois de la présidentielle reste toujours non publiée par ELECAM. Un climat d’opacité qui nourrit les soupçons sur les intentions réelles de l’organe électoral suppose être indépendant.

L’implication directe du système des Nations Unies interroge aussi sur le niveau d’autonomie démocratique du Cameroun. L’ONU, dont le rôle dans la crise post-électorale en Côte d’Ivoire (2010-2011) reste dans toutes les mémoires africaines, apparaît ici comme un garant externe d’un processus interne qui, en principe, devrait relever de la souveraineté nationale. La présence accrue des institutions internationales dans la gestion des affaires électorales nationales pourrait être interprétée comme un aveu d’échec de la gouvernance locale et une ouverture à une forme de diplomatie d’influence.

Communiqué ELECAM

Sur le plan géostratégique, le partenariat soulève la question d’un possible rééquilibrage des alliances. Le Cameroun, longtemps réticent à toute ingérence étrangère, semble désormais ouvrir la porte à un modèle de supervision internationale de ses processus démocratiques. Toute chose qui peut être lue par certains acteurs comme un signal d’alignement sur les positions occidentales au moment même où le pays renforce ses liens sécuritaires et économiques avec des puissances comme la Chine, la Russie ou la Turquie.

L’initiative d’ELECAM pourrait à terme, fragiliser la crédibilité de l’organe électoral. Un organisme indépendant ne devrait-il pas prouver sa compétence nationale avant de recourir à une expertise extérieure ? autrefois, le Cameroun a connu une scène d’infiltration de faux agents électoraux de l’ONG Transparency International, orchestrée par le ministère en charge de l’administration territoriale. Aujourd’hui à quelques mois de l’élection présidentielle, cette décision peut donner l’impression que le Cameroun n’a pas confiance en ses propres institutions ouvrant ainsi la voie au trucage, à des contestations ou à une défiance populaire.

Ce partenariat, s’il est mal géré, peut constituer un facteur de crise post-électorale plutôt que de stabilité. Pour prévenir toute escalade, ELECAM gagnerait à rendre publique, la liste électorale nationale exigée par l’opinion nationale et à associer les acteurs politiques à toutes les phases techniques tout en clarifiant les limites de l’implication onusienne. La démocratie ne se décrète pas par les bailleurs, elle se construit par le peuple et pour le peuple.

Par Mangue Man Mut

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