Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères de RDC au Conseil de sécurité des Nations unies le 26/01/2025 - Ministère des Affaires étrangères

De Kinshasa à l’ONU : que vaut le siège congolais de membre non permanent sans réforme du Conseil de sécurité ?

L’Assemblée générale des Nations unies a élu le 3 juin 2025, à New York, la République démocratique du Congo (RDC) et le Libéria comme membres non permanents du Conseil de sécurité pour la période 2026-2027. Si cette victoire diplomatique est saluée par Kinshasa, elle suscite par ailleurs de vives réflexions sur la portée réelle d’un tel siège, dans un contexte africain où les appels à la réforme du système des nations unies se font de plus en plus insistants.

Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères de RDC au Conseil de sécurité des Nations unies le 26/01/2025 –
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Vitrine stratégique pour la RDC

Cette élection « marque une nouvelle étape dans l’engagement de la RDC en faveur de la paix, de la sécurité et du multilatéralisme, » explique le ministère congolais des Affaires étrangères. Pour le président Félix Tshisekedi, siéger au Conseil de sécurité permettra à son pays de « porter la voix de l’Afrique, ses aspirations et ses solutions, au centre des enjeux mondiaux ».

C’est donc un moment de visibilité stratégique pour un État qui traverse une instabilité politique chronique et un conflit armé persistant à l’Est, impliquant le Rwanda voisin. Toutefois, ce siège pourrait-il changer la donne ?

Surtout pas en théorie. En pratique, peut-être. Un membre non permanent n’a ni droit de veto ni autorité directe sur les décisions majeures du Conseil. Cependant, la RDC pourra participer activement aux débats, proposer des résolutions, peser dans les discussions sur les opérations de maintien de la paix et attirer l’attention internationale sur la crise sécuritaire dans la région des Grands Lacs. Il s’agit plus d’un levier de plaidoyer que de décision.

La question rwandaise : un dossier délicat

Le conflit opposant la RDC aux rebelles du M23, soutenus par le Rwanda selon Kinshasa, est l’un des plus sensibles sur le plan diplomatique africain. Si la RDC parvient à bien manœuvrer, elle pourrait utiliser sa position pour mobiliser le Conseil sur ce dossier et peser dans les négociations internationales.

Mais la prudence reste de mise. L’histoire récente montre que l’influence d’un membre non permanent reste limitée face aux intérêts des grandes puissances dotées du droit de veto.

Le Libéria élu membre non permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU pour 2026-2027

La discrète mais symbolique présence du Libéria

Également élu, le Libéria, qui a connu une guerre civile dévastatrice au début des années 2000, incarne aujourd’hui la résilience. Son élection est perçue comme un signal en faveur de la paix et de la reconstruction post-conflit. Toutefois, c’est bien la RDC qui concentre les attentes et les enjeux.

Le goût d’inachevé d’une victoire diplomatique

Cette élection ravive un paradoxe africain “être invité à la table des grands… sans jamais y être hôte permanent”. L’Union africaine et le groupe des pays du Sud (L.69) réclament depuis des années, deux sièges permanents africains au Conseil, dotés du droit de veto. Pourtant, malgré leur poids démographique (plus d’un milliard d’habitants) et politique (54 États membres de l’ONU), les pays africains doivent se contenter de sièges tournants, sans véritable pouvoir structurel.

Le siège congolais est une opportunité diplomatique, certes. Mais c’est surtout une fenêtre symbolique, fragile et temporaire. Sans réforme structurelle du Conseil de sécurité, les ambitions africaines restent bridées.

La RDC et le Libéria auront l’occasion de représenter les préoccupations africaines dans les débats sur la paix, le climat, le terrorisme ou les crises humanitaires. Le défi sera d’utiliser cette position comme tremplin pour continuer à exiger plus ; pas seulement une place, mais une part du pouvoir. Leur mandat débute le 1er janvier 2026.

L’Afrique doit-elle se contenter de miettes ?

L’élection de la RDC est à saluer. Mais elle ne saurait faire oublier que le Conseil de sécurité, dans sa forme actuelle, est le produit d’un ordre mondial post-Seconde Guerre mondiale, devenu anachronique. Tant que l’Afrique ne siègera pas de manière permanente, avec un droit de veto comme les cinq membres fondateurs, ses voix continueront d’être audibles mais rarement décisives.

L’émergence des nouveaux blocs de puissance comme les BRICS, fait penser à la création prochaine d’un instrument alternatif qui viendrait équilibrer les rapports de forces dans un contexte ou l’ONU peine à faire sa mue.

Par Mangue Man Mut

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