

S.E Maréchal MAHAMAT IDRISS DEBY ITNO, Président de la République , Chef de l’État du Tchad. Archives Présidence du Tchad
Une réplique en miroir
A peine l’annonce américaine de l’interdiction d’entrée de ressortissants de plusieurs pays africains sur son sol, le président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, annonce à son tour, la suspension de visas pour les citoyens américains, invoquant le principe de réciprocité.
Par un message publié sur sa page Facebook officielle, le président tchadien rappelle fermement que : « Le Tchad n’a ni des avions à offrir, ni des milliards de dollars à donner, mais le Tchad a sa dignité et sa fierté. »
L’annonce américaine, motivée selon Washington par des préoccupations sécuritaires à la suite d’un attentat dans le Colorado, visait sept pays africains dont le Tchad. Mais pour N’Djamena, il s’agit d’une décision discriminatoire et unilatérale touchant des pays déjà fragilisés et à majorité musulmane.
Cette réaction rapide tranche avec la retenue diplomatique souvent observée dans la région et traduit une volonté claire d’affirmer la souveraineté du Tchad qui refuse de se laisser dicter des mesures injustes.
Un tournant annoncé dans les relations internationales au Sahel
La menace terroriste croissante dans la région sahélienne fait de celle-ci, l’une des plus instables du monde. Cette menace est alimentée par des groupes djihadistes qui exploitent la fragilité des États. Et dans cette lutte, le Tchad est un acteur central. Son armée est l’une des plus efficaces et son rôle dans les opérations anti-terroristes reste crucial dans la région.
Les États-Unis, de leur côté, entretiennent avec N’Djamena des relations stratégiques fortes, en fournissant un appui militaire et en collaborant étroitement sur le renseignement. Cette coopération est considérée par Washington comme essentielle pour la stabilité du Sahel.
Dans un tel contexte, la décision américaine d’interdire l’accès à leur territoire aux ressortissants tchadiens est surprenante. Officiellement motivée par des questions de sécurité intérieure et de migrations, cette mesure est surtout un acte unilatéral, qui fragilise la confiance entre partenaires.
Le Sahel connaît une profonde transformation. Le retrait progressif de la France, la montée en puissance d’acteurs comme la Russie, la Chine ou la Turquie, et le repositionnement des États africains modifient les équilibres traditionnels.
Dans ce jeu complexe, la décision tchadienne de riposter à Washington va peut-être marquer un tournant symbolique. Elle illustre aussi le désir des pays africains de ne plus être de simples spectateurs, mais des acteurs capables d’imposer leurs choix et de défendre leurs intérêts avec détermination.
Une leçon de souveraineté africaine
Parmi les autres nations ciblées figurent entre autres, le Congo Brazzaville, la Guinée équatoriale ou la Libye, la Somalie et l’Érythrée qui sont aussi en proie à des difficultés politiques et sécuritaires que le Tchad. Si aucun d’entre eux n’a, pour l’instant, adopté une réponse aussi ferme que celle du président Deby, l’exemple tchadien pourrait faire école.
La réciprocité adoptée par le Tchad n’est pas simplement une question de représailles. Elle constitue un véritable outil diplomatique pour rééquilibrer des relations souvent marquées par une domination unilatérale des grandes puissances.
En réagissant vite, le Tchad a surtout évité que la décision américaine ne s’impose comme un fait accompli, montrant que la diplomatie africaine peut être réactive et stratégique. Cette posture est un signal qui peut modifier les comportements futurs des grandes puissances à l’égard des pays africains.
Cette initiative montre qu’il est possible, même pour des États confrontés à des défis internes et à des asymétries de puissance, d’adopter une posture diplomatique affirmée. Un tel acte assumé, pourrait encourager d’autres pays à envisager des réponses de même nature, renforçant ainsi un mouvement africain vers plus d’assertivité sur la scène internationale.
Dans une Afrique en quête de repositionnement géopolitique, la position du Tchad fait figure de précédent. Le message envoyé est clair. Le respect est mutuel, même dans les relations asymétriques. Une posture qui, si elle s’étend, viendrait renforcer la légitimité diplomatique des pays africains qui continuent de subir les décisions prises loin de leurs capitales sans jamais réagir.
Si l’impact immédiat de cette suspension de visas restera sans doute limité en termes pratiques, sa portée politique est loin d’être négligeable. Elle va à coup sûr, participer à renforcer la confiance des pays africains en leur capacité à négocier d’égal à égal, en redonnant un peu d’air à une diplomatie africaine en quête de repères et de reconnaissance.
En bousculant les rapports de forces, le message du Tchad envoyé à Washington et à toute la communauté internationale est que la souveraineté africaine se défend et le temps de la passivité pourrait bien toucher à sa fin.
Par Yves Modeste Ngue
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