Niamey veut nigériniser les emplois du pays y compris dans le secteur du pétrole - AFP -Boureima Hama

Coopération Sino-nigérienne : un bras de fer énergétique attise les tensions sous fond de rééquilibrage diplomatique

Engagé dans une mutation politique et géostratégique profonde depuis son rapprochement avec l’Alliance des États du Sahel (AES), le Niger ne ménage aucun effort pour reconquérir sa souveraineté. C’est dans ce contexte que s’inscrit la confrontation ouverte avec la China National Petroleum Corporation (CNPC), géant pétrolier chinois opérant à travers sa filiale Soraz dans le raffinage du brut nigérien à Zinder.

Niamey veut nigériniser les emplois du pays y compris dans le secteur du pétrole – AFP -Boureima Hama

Mai 2025, les autorités Niamey ordonnent le départ de 78 ingénieurs chinois en poste depuis plus de quatre ans pour non-respect des engagements en matière de « nigérisation » des emplois. Mais au 31 mai, aucun technicien n’a quitté le sol nigérien, malgré l’ultimatum. Les raisons ? Une dépendance technique criante à l’expertise chinoise et, plus en profondeur, une asymétrie diplomatique et économique entre le Niger et la Chine.

Le Niger cherche à bâtir une économie plus souveraine depuis sa prise de distance avec la CEDEAO et ses anciens partenaires occidentaux, Le secteur pétrolier, pivot de ses exportations, devient un champ de tension stratégique.

La CNPC, qui contrôle en grande partie la chaîne de production et d’exportation du pétrole du pays entend préserver ses leviers opérationnels. La compagnie défend de fait sa position dominante dans l’architecture énergétique du pays en refusant de céder les postes clés à des cadres nigériens encore en formation.

Le ministre nigérien du Pétrole a bien tenté une désescalade en proposant le maintien partiel de certains techniciens, mais Pékin, via la CNPC, a répondu par un retrait symbolique. Les 127 expatriés chinois ont été rassemblés à Niamey pour un départ que les autorités nigériennes ont ensuite empêché.

Depuis lors, le statu quo s’est transformé en un bras de fer diplomatique révélateur à la fois des fragilités structurelles du Niger et sa volonté d’affirmation. Toutefois, l’interdépendance énergétique limite la capacité du pays à imposer ses conditions, alors que la Chine détient les compétences et les infrastructures critiques.

Le différend survient dans un climat où Niamey redéfinit ses alliances régionales et internationales. La Chine, jusque-là partenaire privilégié, découvre un Niger plus assertif, porté par une vision panafricaniste et souverainiste défendue par les pays de l’AES. Une ligne qui pourrait inspirer d’autres nations africaines à reconsidérer les termes de leur coopération avec les puissances étrangères.

Cependant, le Niger semble marcher sur une ligne de crête. Si l’éviction des techniciens chinois devait aboutir, elle risquerait de paralyser l’appareil de production pétrolière. À l’inverse, céder sur ce dossier entamerait le crédit politique d’un pouvoir en quête de légitimité populaire et de rupture avec les pratiques antérieures.

C’est donc l’équilibre des relations sino-africaines qui est en jeu en toile de fond. Un test grandeur nature pour Pékin comme pour Niamey. Et, potentiellement, un précédent stratégique pour les États du Sahel engagés dans une dynamique de réaffirmation souveraine.

Par Mangue Man Mut

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