Dr Sidi Ould Tah- Président de la Banque Africaine de Développement (BAD)

BAD : Sidi Ould Tah, le choix technocratique pour piloter l’Afrique du changement

L’élection du Mauritanien Sidi Ould Tah à la tête de la Banque africaine de développement (BAD), ce 29 mai à Abidjan, marque un tournant stratégique pour l’institution panafricaine. Technocrate chevronné, ancien ministre et banquier aguerri, il succède au Nigérian Akinwumi Adesina avec pour mission de guider l’Afrique à travers les défis d’une mutation économique, sociale et climatique profonde. Son mandat de cinq ans, qui débute officiellement le 1er septembre 2025, s’annonce déterminant.

Dr Sidi Ould Tah- Président de la Banque Africaine de Développement (BAD)

Élection maîtrisée autour d’une coalition bien bâtie

Candidat entré tardivement dans la course, Sidi Ould Tah a rapidement rattrapé le retard grâce à une campagne habilement orchestrée. Il s’est imposé dès le troisième tour avec 76,18 % des voix, loin devant le Zambien Samuel Maimbo (20,26 %) et le Sénégalais Amadou Hott (3,55 %). L’élection s’est jouée selon le principe de la double majorité qui implique une majorité des voix des pays africains, et une autre des actionnaires non régionaux tels que les États-Unis, le Japon ou l’Allemagne.

Le succès du Mauritanien repose en grande partie sur une solide alliance géopolitique. Profitant de la présidence de l’Union africaine assurée cette année par son pays, le désormais nouveau président de la BAD a aussi reçu le soutien décisif de l’Arabie saoudite et des pays de la Ligue arabe. C’est cette stratégie d’équilibriste entre Afrique subsaharienne et monde arabe qui lui a permis de rallier une large coalition, tant sur le plan régional qu’international.

Parcours solide pour un profil technocratique

Économiste de formation, ancien ministre mauritanien de l’Économie, Sidi Ould Tah s’est surtout illustré à la tête de la BADEA (Banque arabe pour le développement économique en Afrique) depuis 2015. Sous sa direction, l’institution est passée d’un rôle périphérique à celui d’acteur central du financement du développement. Il a multiplié par douze le volume annuel d’approbations de projets et réduit drastiquement les créances douteuses. La note de crédit de la banque a même été rehaussée à son actif.

Ce bilan impressionnant lui confère une forte légitimité technique, renforcée par une vision structurée et pragmatique du développement. Contrairement à son prédécesseur, connu pour son charisme et ses discours flamboyants, Ould Tah incarne une approche discrète mais rigoureuse. Un profil rassurant pour les bailleurs et les partenaires internationaux dans un contexte d’incertitudes mondiales.

Institution en bonne santé, mais à réinventer

La Banque africaine de développement (BAD) aborde cette nouvelle transition en position de force. Sous Adesina, son capital a bondi de 93 à 318 milliards de dollars, et elle a approuvé un volume record de projets en 2024. Mais les défis restent considérables. Malgré ses moyens, la BAD est souvent jugée moins proactive que ses homologues intercontinentales. Des voix s’élèvent pour demander une meilleure optimisation de son bilan et une augmentation du capital effectivement mobilisé.

Sidi Ould Tah arrive avec un mandat de renforcer l’impact de la BAD sur le terrain, tout en consolidant sa solidité financière. Il s’appuiera certainement sur la stratégie décennale 2024-2033, articulée autour des « High 5 » : nourrir l’Afrique, l’éclairer, l’intégrer, l’industrialiser et améliorer la qualité de vie. S’il ne remet pas en cause ces priorités, il entend les compléter avec ses propres axes d’action.

Ambitieuse feuille de route pour une Afrique résiliente

Entouré de personnalités expérimentées, comme Frannie Leautier, ancienne vice-présidente de la Banque mondiale, Ould Tah a esquissé une feuille de route en quatre piliers : réforme de l’architecture financière africaine, transformation du dividende démographique en atout économique, industrialisation durable, et mobilisation accrue de capitaux.

Sa vision consiste à positionner la BAD comme une institution agile, innovante, et capable de répondre aux urgences du continent ; qu’il s’agisse de transition énergétique, de souveraineté alimentaire, ou de lutte contre les inégalités. Sa capacité à naviguer entre les exigences techniques et les équilibres diplomatiques sera déterminante dans l’action.

Dans un continent en pleine mutation, marqué par des tensions géopolitiques, un changement climatique accéléré et une jeunesse en quête d’avenir, la BAD devrait plus que jamais incarner l’espoir d’un développement inclusif. Le pari technocratique de Sidi Ould Tah est lancé. À lui désormais de le concrétiser.

Par YMN

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