

Brice Clotaire Oligui Nguema – Président de la République du Gabon. Archives Présidence – Gabon
De général d’armée putschiste à civil général au pouvoir, l’élection du 12 avril 2025 a donné une crédibilité à Oligui Nguema grâce à une victoire écrasante (94,85%). Un résultat facilité par une opposition fragmentée et un appareil d’État entièrement acquis à sa cause. La nouvelle constitution adoptée par référendum en novembre 2024 avec 91 % de oui, instaure un régime présidentiel renforcé qui limite le mandat présidentiel à sept ans renouvelables une fois et exclue les membres de la famille présidentielle de la course. Cependant, des critiques émergent dénonçant une concentration excessive des pouvoirs et une absence de leur séparation.
La présence de la cour constitutionnelle de transition par exemple soulève des interrogations sur la légitimité de l’acte d’investiture d’Oligui Nguema. Une situation qui alimente les débats sur la conformité de son élection avec les principes démocratiques.
Ancien chef de la Garde Républicaine et homme de confiance de la famille Bongo, il a réussi à retourner le système contre ses maîtres mais sans pour autant en rompre clairement avec les piliers fondamentaux qui sont l’élite politico-militaire, le contrôle centralisé des ressources, et surtout, les liens néocoloniaux avec Paris. Le cousin du président déchu Ali Bongo a longtemps été perçu comme un homme de l’ombre au sein du système. Son ascension rapide soulève des doutes sur ses réelles intentions : volonté de rupture ou simple remplacement de clan ? Ses premières déclarations suggèrent une certaine volonté de diversification économique, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie et du tourisme.
Il ne faut surtout pas rester dupe devant les déclarations de souveraineté et de diversification diplomatique vers des partenaires comme la Russie ou la Chine. Aucune mesure concrète à ce jour n’a encore mis fin à la forte présence française dans les secteurs stratégiques gabonais, notamment le pétrole, le bois et les infrastructures. TotalEnergies par exemple, reste l’un des plus grands employeurs du pays, et l’armée française conserve des accords de coopération militaire. Le silence mesuré de l’Élysée après le coup d’État, loin d’un rejet, fut plutôt le signe d’un arrangement ou mieux, d’un accommodement. La relation avec la France demeure ambiguë. Bien que la France ait exprimé son soutien à la transition gabonaise, des tensions subsistent en raison des critiques sur la gestion des ressources naturelles et des droits de l’homme. L’issue de cette relation dépendra de la capacité du président Oligui Nguema à démontrer son indépendance vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale.
Toutefois, le nouveau président gabonais n’est pas sans atouts. Il bénéficie d’une bonne popularité intérieure pour avoir mis fin à la dynastie Bongo. Il a également initié et accompli une réforme constitutionnelle et convoqué un dialogue national, signaux positifs qui annoncent une volonté de rupture. Cependant, des gestes similaires sont souvent interprétés comme une stratégie de légitimation plus qu’un réel changement de cap.
La principale faiblesse du président Clotaire Oligui Nguema réside dans le manque d’indépendance économique du Gabon. Une volonté de reprendre la main est manifeste mais tant que le pays va continuer à dépendre des anciennes structures de rente connectées à la France, la rupture avec la Françafrique restera symbolique. Un autre défi est celui de l’absence d’une classe politique alternative solide qui pourrait équilibrer le pouvoir et ancrer durablement une gouvernance souveraine.
En attendant de juger le maçon au pied du mur, l’élection de Brice Oligui Nguema sous une forme plus subtile, pourrait renforcer les dynamiques de la Françafrique. Seul l’avenir dira si le président issu d’un coup d’État saura incarner une véritable rupture ou s’il restera un acteur de la Françafrique dans un contexte où la France perd progressivement son emprise sur ses anciennes colonies. À moins d’un sursaut historique, le nouveau président risque d’en être le dernier serviteur maquillé en sauveur.
Par Yves Modeste NGUE
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