Archives Ministère des Postes et Télécommunications - MINPOSTEL

Fibre optique : le Cameroun éteint dans un monde connecté

Le pays de Paul Biya vient de décrocher le 93e rang sur 93 pays évalués dans le « Fiber Development Index 2024 », publié conjointement par l’Association mondiale du haut débit (WBBA) et le cabinet Omdia. Avec sa note de 4 sur 100, le Cameroun enregistre une chute de trois points par rapport à l’année précédente. Un classement qui le place loin derrière ses voisins de la CEMAC et révèle un échec en matière de développement de la fibre optique.

Archives Ministère des Postes et Télécommunications – MINPOSTEL

Malgré la présence d’un réseau de 15 000 km de fibre déployé et la traversée de cinq câbles sous-marins majeurs le Cameroun ne satisfait pas en matière de développement de la fibre optique. Ce retard numérique constitue une vulnérabilité stratégique et diplomatique pour le pays dans un contexte où la numérisation est au cœur des échanges économiques, culturels et diplomatiques. Le pays des lions indomptables se retrouve marginalisé dans les grandes dynamiques de coopération internationale, notamment celles liées à la transformation digitale en Afrique.

Quotidien numérique à la peine et image internationale affaiblie

Le Cameroun est pourtant doté d’infrastructures stratégiques : SAT3, WACS, SAIL, NCSCS. Mais la sous-utilisation chronique de ces ressources ; seulement 15 % de la capacité du câble SAT3 et 30 % de celle du WACS sont exploitées révèle une gestion inefficace. Le “fiber gap”, c’est-à-dire la population encore non couverte, touchait environ 14 millions de personnes en 2020.
Une carence qui se ressent dans la vie quotidienne. La qualité des services de télécommunications se dégrade Les étudiants ont bénéficié des ordinateurs promis par le programme “don présidentiel” sans connexion internet adéquate. Les entreprises subissent des pertes dues aux interruptions fréquentes et à la lenteur du réseau internet, tandis que les communications à l’intérieur du pays ou entre Camerounais au et leurs familles à l’étranger restent compliquées. Le régulateur a récemment annoncé un audit du réseau national de fibre optique soulignant la détérioration continue des services mobiles et les interruptions fréquentes des câbles. Des problèmes exacerbés par la gestion monopolistique de Camtel, qui limite la concurrence et maintien des prix élevés pour les consommateurs. L’objectif de l’entreprise pour 2025 est pourtant de faire du Cameroun résilient, un pays connecté.

Ce recul affecte davantage la crédibilité du pays auprès de ses partenaires. Alors que des nations comme la Côte d’Ivoire, l’Égypte ou encore l’Afrique du Sud progressent rapidement dans ce classement, le Cameroun régresse. L’image d’un pays encore « hors ligne » nuit à son attractivité pour les investisseurs internationaux, notamment ceux du secteur technologique. De plus, la lenteur de la connectivité entrave les relations avec la diaspora camerounaise, essentielle pour les transferts de fonds et le partage de connaissances. Les pays tels que la République Démocratique du Congo ont déjà lancé des projets ambitieux pour renforcer leur infrastructure numérique, comme le projet de 600 km de fibre optique soutenu par la Banque Africaine de Développement alors que la Cameroon Telecommunications (CAMTEL) excelle dans des affaires de scandales financiers et de mauvais management sous la houlette d’un ministère des postes et télécommunications presqu’invisible.

Comment améliorer le classement ?

Malgré une certaine amélioration du haut débit mobile (passé de 18 % à 39 % entre 2018 et 2022), le Cameroun a encore du chemin à faire. Le projet de déploiement de 3 500 km supplémentaires annoncé pour 2024 est une étape, mais encore insuffisante. Le rapport de la WBBA recommande une approche hybride ; développer rapidement des technologies alternatives comme le sans fil fixe, tout en préparant un déploiement structuré et massif de la fibre. Cependant, le pays a la possibilité de redresser la barre en adoptant une approche multisectorielle. Libéraliser le secteur encouragerait par exemple une concurrence qui pourrait réduire les coûts et améliorer la qualité des services.
Par ailleurs, intensifier l’investissement dans les infrastructures viendrait accélérer le déploiement de la fibre optique notamment, dans les zones rurales en vue de garantir une couverture nationale. Le pays peut aussi former les citoyens et les entreprises aux technologies numériques pour maximiser l’utilisation des infrastructures existantes tout comme un renforcement des collaborations avec des organisations internationales serait bénéfique dans une optique de financements et d’expertise technique.

Le classement « Fiber Development Index 2024 est un avertissement sévère pour le Cameroun. Ce retard en matière de fibre optique n’est pas seulement un enjeu technologique, mais aussi diplomatique et économique. Il montre que le pays malgré ses ambitions, n’a pas encore enclenché la transformation numérique à la hauteur de son potentiel. Il est certainement temps de passer aux actes sous peine d’un isolement croissant dans un monde résolument connecté.

Par YMN

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *