REUNION CEMAC- FRANCE (PARIS 2025) Cameroon-Eco- Business image

CEMAC–France : Une coopération monétaire sous menace des aspirations souverainistes

Le 17 avril 2025, à Paris, s’est tenue une réunion de haut niveau entre les ministres de l’Économie et des Finances, les gouverneurs des banques centrales des pays de la CEMAC et leurs homologues français. La rencontre qui visait à consolider la coopération monétaire entre la France et les États d’Afrique correspond-elle aux ambitions de développement de la zone CEMAC ?

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Coopération institutionnalisée et controversée

Le cadre de coopération monétaire entre la France et les pays de la CEMAC repose sur des accords hérités de la période coloniale, régissant l’usage du franc CFA, arrimé à l’euro et garanti par le Trésor français. De façon officielle, ce mécanisme vise à assurer une certaine stabilité monétaire et une maîtrise de l’inflation. Pourtant, de plus en plus de voix s’élèvent, aussi bien au sein des sociétés civiles qu’au sein des cercles politiques, pour dénoncer une dépendance structurelle qui freine l’autonomie économique des États.
Malgré les efforts de réforme et les soutiens du FMI évoqués lors de la réunion placée sous le thème « Renforcer la résilience des économies de la CEMAC en 2025 et quelle intégration régionale envisager demain ? », les pays de la sous-région CEMAC peinent à sortir d’un cycle d’endettement. Le taux de d’industrialisation reste faible avec une vulnérabilité aux chocs externes. Pour de nombreux économistes, le cadre monétaire actuel limite la marge de manœuvre des banques centrales, entrave la politique budgétaire et décourage l’innovation financière. Simplement dit, le franc CFA stabilise, mais n’accompagne pas la transformation structurelle.

Alternative souveraine pour une diplomatie sous pression ?

La rencontre de Paris s’est déroulée dans un contexte géopolitique sensible, où plusieurs pays francophones d’Afrique réévaluent leurs liens avec l’ancienne puissance coloniale, la France. Le rejet du franc CFA devient alors un symbole de souveraineté retrouvée, au même titre que les revendications de nouvelles alliances stratégiques et économiques. Si la Paris reste un partenaire incontournable pour la CEMAC, la symbolique de cette coopération est de plus en plus scrutée à l’aune des aspirations populaires.

Face à ces contestations, des pistes alternatives émergent. La République centrafricaine a ouvertement exploré la voie de la cryptomonnaie, tandis que certains appellent de leurs vœux la création d’une monnaie communautaire indépendante, pilotée par des institutions régionales renforcées. L’objectif serait de doter la sous-région d’un instrument monétaire aligné sur ses priorités économiques, ses réalités commerciales et sa souveraineté politique.

L’appel à une intégration régionale renforcée et à la diversification des économies, martelé durant la réunion, va peut-être dans le bon sens. Cependant, sans une révision en profondeur du cadre monétaire actuel, les ambitions resteront fragiles. Le défi serait certainement de concilier stabilité monétaire, responsabilité budgétaire et souveraineté économique. La CEMAC peut et doit inventer son propre modèle, quitte à redessiner les contours d’une coopération qui, pour l’instant, suscite plus de réserves que d’adhésion.

Par Yves Modeste Ngue

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